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Etudes de l’IFIP sur les nitrites dans les charcuteries : où en est-on?

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20/02/2019 17:04 | Articles Il y a 2 ans et 6 jours

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L’IFIP s’investit depuis plusieurs années déjà dans la recherche sur les effets de l’ajout de nitrite sur la santé et sur les possibilités de réduction du nitrite dans les produits de charcuterie. Voici un résumé de l’état actuel des travaux menés par l’IFIP sur cette question.

1. Fonctions du nitrite dans les charcuteries :

Le nitrite est utilisé dans les charcuteries pour sa triple fonctionnalité :

  • En synergie avec le sel, pour protéger les charcuteries cuites du risque de développement de spores (C.botulinum, Bacillus cereus…) et les charcuteries sèches du risque de développement de salmonelles pendant la phase d’étuvage. Dans son étude de 2010 et selon ses résultats récents, l’IFIP établit un taux de nitrites sécuritaire à 80 ppm pour les produits cuits. Sur les produits secs le nitrite réduit la croissance de salmonelles durant la phase chaude à partir de 80 ppm. Le nitrate n’a pas d’effet à ce stade, mais en se transformant lentement en nitrite durant le séchage des produits, il influence les flores d’altération et technologiques. C’est cette fonction de conservation qui est retenue par la réglementation européenne et qui classe le nitrite de sodium dans la catégorie des conservateurs.
  • Pour apporter une couleur stable aux produits grâce à la fixation des nitrites sur la myoglobine de la viande, formant un complexe Fe-NO en milieu réducteur. Dans les produits cuits, le taux de nitrite pour l’obtention d’une couleur stable est de 30 à 40 ppm.
  • Pour apporter le goût typique des charcuteries en limitant les produits de l’oxydation et laissant ainsi s’exprimer, pour le jambon cuit par exemple, les notes aromatiques des molécules soufrées et ceci, pour un taux de nitrite de 40 ppm (Inra QuaPa ; Thomas, 2014).

Le nitrite (et son réservoir le nitrate) a été réévalué par l’EFSA en 2017. L’agence a réaffirmé l’intérêt du nitrite comme conservateur pour les produits carnés, confirmant qu’aux dosages autorisés, soit 0,07mg/kg, il ne représente pas de danger pour le consommateur et qu’il apporte une protection contre un danger microbiologique majeur, Clostridium botulinum, agent du botulisme.

2. Le lien entre nitrite et cancer :

Selon les études épidémiologiques, les grands consommateurs de charcuterie sont plus touchés par le cancer colorectal avec un risque relatif de +18% pour 50 g de charcuterie consommée par jour.

Selon les données de l’étude INCA de juin 2017, les Français adultes consomment en moyenne 34,2 g de charcuterie par jour pour les hommes et 20,9 g/j pour les femmes. Par ailleurs, un quart de la population française consomme plus de 50 g de charcuterie par jour (PNNS 2009).

Les études scientifiques menées en collaboration avec l’INRA Toxalim ont permis d’établir les hypothèses suivantes :

  • Le nitrite exerce une fonction anti-oxydante au sein des matrices carnées. Dans les produits, en se fixant au fer de la myoglobine sous forme de Fe-NO, le nitrite permet de réduire les réactions d’oxydation des viandes, responsables du rancissement des produits et de la formation de composés non volatils (dont le malondialdéhyde et le 4-hydroxynonenal (Thomas, 2014)). Après digestion d’une charcuterie modèle par des rats d’étude, les composés d’oxydation observés dans les eaux fécales (malondialdéhyde) et ceux dans les urines (DHN-MA, 4-hydroxynonenal) sont sensiblement réduits lorsque les produits sont nitrités (Santarelli et al., 2010).
  • Le nitrite résiduel ou sous forme de Fe-NO génère lors de leur digestion des composés N-nitrosés, dits NOCs (Herrmann et al., 2015; Pierre et al., 2013; Pomélie et al., 2018). Ces NOCs sont moins présents quand les viandes ne contiennent pas de nitrite et sont associés à la promotion de lésions pré-cancéreuses au niveau des côlons du modèle animal « rats chimio induits » (Santarelli et al., 2013). Ces lésions correspondent aux stades précoces de la cancérogénèse colorectale.
  • Le calcium ou des molécules ou extraits anti oxydants (vitamine E, polyphénols, acide carnosique…) réduisent voire éliminent l’apparition de NOCs et des lésions observées chez les rats chimio-induits ayant reçu pendant 100 jours des régimes expérimentaux majoritairement composés de charcuteries modèles nitritées (Bastide et al., 2017; Pierre et al., 2013; Santarelli et al., 2013).

D’après ces études, le nitrite dans les charcuteries/salaison présente un effet ambivalent à la fois favorable, quand on s’intéresse aux produits d’oxydation, et un effet défavorable lié aux composés NOCs. Les effets des NOCs sur la santé peuvent être limités en présence de molécules ou extraits antioxydants ou en associant du calcium avec la charcuterie dans le repas. Une étude portée par 24 entreprises nommée ADDUITS, coordonnée par l’IFIP avec l’INRA, la FICT et l’ADIV est en cours sur ce sujet.

3. Réduction du nitrite :

Une suppression ou une baisse du nitrite à 40 ppm ou même 60 ppm nécessite une vérification microbiologique sur les différentes bactéries pathogènes ciblées :

  • Clostridium botulinum (psychrotrophe et thermophile) Bacillus cereus et Listeria monocytogenes pour les charcuteries cuites,
  • Salmonella et Listeria pour les salaisons sèches,
  • Clostridium botulinum pour le jambon sec.

La qualité microbiologique des matières premières, l’hygiène en atelier, les paramètres du procédé, les DLC, les températures de process et de stockage, les types d’emballage… sont des paramètres essentiels à parfaitement valider et maîtriser dans l’optique d’une suppression ou d’une réduction des taux de nitrite et de sel dans les produits de charcuterie.

Contact : gilles.nassy@ifip.asso.fr

Auteur

Nassy

Directeur du pôle Viandes et Charcuteries

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